Inclusion naturelle de la livraison et de la vente à emporter dans l’activité de restauration prévue par la clause de destination du bail commercial ?

Un arrêt intéressant a récemment été rendu par la cour d’appel de Paris (CA Paris, pôle 5 – ch. 3, 17 févr. 2021, n° 18/07905).

Inédit de par la solution rendue, il n’en demeure pas moins qu’il faudra encore attendre d’autres décisions de ce type, et surtout des décisions de dernier ressort, pour que l’on puisse être en mesure de parler d’une “nouvelle jurisprudence”.

Jusqu’à présent, le restaurateur envisageant de pratiquer la “vente à emporter” devait s’assurer ou faire en sorte que son bail commercial comporte expressément cette faculté. A défaut, l’activité de restauration n’incluant par principe pas la vente à emporter, il se rendait coupable d’une despécialisation partielle opérée sans l’autorisation du propriétaire des locaux ce qui justifiait potentiellement deux choses : 1/ Le paiement d’une indemnité de despécialisation au profit du bailleur ; 2/ Le déplafonnement du loyer si les critères légaux s’en trouvaient réunis.

La Jurisprudence confirmait jusqu’à présent cette solution et les praticiens s’y conformaient.

La décision rendue le 17 février 2021, mettant en jeu pour l’anecdote un restaurant dont la spécialité était la confection de Sushis, infirmait un jugement rendu le 6 octobre 2017 par le juge des loyers commerciaux près le tribunal de grande instance de Paris.

Ce dernier avait considéré que l’adjonction d’activité non incluse au bail, ni connexe ni complémentaire, était une modification notable de la destination contractuelle justifiant purement et simplement le déplafonnement du loyer.

En effet, le bail commercial du restaurateur indiquait les activités suivantes : ‘Alimentation générale et restaurant, typiquement exotique, c’est-à-dire typiquement asiatique.’

Et, sans s’attarder sur la rédaction “a-typique” de la clause, le restaurant avait cependant mis en place un service de livraison et de vente à emporter (ce qui demeure, admettons-le, des plus classiques pour un restaurant japonais).

Cela constituait, selon lui, une simple modalité particulière de l’exploitation prévue au bail .

La cour d’appel lui donne raison et infirme le jugement rendu par le juge des loyers : l’adjonction d’une activité ne peut donner lieu à déplafonnement du loyer s’il s’agit d’une activité dite incluse, c’est-à-dire se rattachant naturellement à la destination contractuelle initiale et à son évolution en fonction des usages ou pratiques commerciales.

La phrase suivante figurant au sein de la décision est particulièrement intéressante :

il convient de tenir compte de l’évolution des usages en matière de restauration traditionnelle. Si les plats confectionnés sont essentiellement destinés à être consommés sur place, la tendance croissante est de permettre à la clientèle, particulièrement en milieu urbain, comme en l’espèce, de pouvoir emporter les plats cuisinés par les restaurants ou se les faire livrer à domicile, notamment par l’intermédiaire de plate-formes.”

Il n’y avait dès lors, et selon la cour, pas lieu d’accueillir la demande de déplafonnement des bailleurs du fait des activités de vente à emporter et de vente par internet avec livraison.

La société et le monde évoluent continuellement : le droit doit pouvoir s’adapter, au fil du temps, pour répondre à cette évolution. C’est ce que l’on apprend aux étudiants en droit en première année de Licence. Le “click and collect” n’y fait visiblement pas exception …

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